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Poivre et sucre, la palme d'or du Cambodge

Poivre et sucre, la palme d'or du Cambodge

Le poivre de Kampot et le sucre de palme de Kampong Speu vont être labellisés. Cette reconnaissance suscite déjà de grands espoirs chez les producteurs de ces deux provinces.

Si l'on connait depuis longtemps la qualité du sucre de palme de Kampong Speu ou celle du poivre de Kampot, leur notoriété s'arrête généralement aux frontières du royaume. Cette injustice sera prochainement réparée grâce à l'estampillage pour ces deux produits d'un certificat indication géographique (IG). Un label synonyme de qualité et pouvant permettre un meilleur positionnement de ces produits sur des marchés.

Généralement, une IG mêle le lieu d'origine des produits à un cahier des charges et à un dispositif de contrôle. Pour qu'une IG soit reconnue, il faut que la législation nationale contienne des dispositions en ce sens et que les consommateurs la reconnaissent. Ce sera bientôt le cas avec la sélection récente du poivre et du sucre de palme. Le lancement d'une étude permettant leur enregistrement sous ce label est également prévue. La décision a été prise le mois dernier après la tenue de plusieurs réunions entre les ministères du Commerce et de l'Agriculture, l'Agence française de développement

(AFD) et l'Ecap I (EC-Asean International Property Rights Cooperation Programme). Mao Thora, sous-secrétaire d'Etat au Commerce, a déclaré à l'une de ces occasions que le gouvernement français avait versé 800000 euros (environ 1160000 dollars) à travers I'AFD pour lancer un projet pilote destiné à ces deux produits. Le processus complet devrait prendre deux ans avant qu'ils ne soient officiellement ajoutés à la liste internationale des IG, une première pour le pays.

C'est notamment le Groupe de recherche et d’échanges technologiques (Gret) qui s'occupe des démarches. Jean-Marie Brun, un spécialiste de l'agriculture et du développement rural au Gret, explique que les deux ministères concernés, en collaboration avec le Gret et le Cedac (Centre d'étude et de développement agricole cambodgien), ont appuyé la mise en œuvre de ce projet qui est maintenant sur les rails. « Ce que l'on va faire, c'est mobiliser les producteurs et les autres acteurs de ces filières pour préparer le cahier des charges », indique l'expert. Au cours de ce processus, il faut au préalable définir un cadre technique prouvant que le sucre de palme de Kampong Speu dispose de qualités spécifiques par rapport à ses concurrents grâce à des facteurs tels que le climat ou le sol de la région concernée. Il sera ensuite nécessaire de définir un mécanisme de contrôle et un cahier des charges clair afin de garantir la qualité et l'origine de ces produits régionaux et de répondre aux critères exigés. L'étape suivante sera de faire une demande d'enregistrement IG en bonne et due forme après de la commission permanente Indication géographique des ministères du Commerce et de l'Agriculture. Cette commission fera notamment appel à des experts es poivre et sucre de palme notamment, qui devront se prononcer et valider le cahier des charges, la procédure de contrôle qualité, les critères géographiques, l'historique des produits par rapport à leur production traditionnelle dans les régions concernées, etc. Mais en plus de cette partie technique, le processus nécessite un cadre juridique spécifique. Un projet de loi dans ce sens est en préparation au ministère du Commerce. Il doit ensuite être soumis au conseil des ministres, puis à 'Assemblée nationale. « Nous préparons actuellement le terrain, reprend Jean-Marie Brun. Dans le même temps, le cadre juridique se mettra progressivement en place et je pense qu'à l'horizon 2009, nous serons prêts à enregistrer les premières IG du Cambodge. »

Augmentation des prix de récoltes

Même s'il faudra encore deux ans avant que le projet ne devienne une réalité, la nouvelle fait déjà le bonheur des agriculteurs et producteurs locaux qui y voient une manne supplémentaire. Ainsi Nguon Lay, un agriculteur représentant l'association des producteurs de poivre du village Angkor Chay I, de la province de Kampot, se réjouit d'avoir été récemment prévenu par son acheteur qu'il verrait le prix de sa prochaine récolte augmenter. « En 2000, un kilo de poivre coûtait 25000 riels, soit environ six dollars, puis le prix a chuté d'année en année pour tomber à seulement un dollar le kilo, car notre poivre ne se vendait que sur les marchés locaux ainsi qu'au Viêtnam, indique-t-il. Pourtant, il y a peu de temps, mon grossiste m'a promis qu'il m'achèterait mes prochaines récoltes six dollars le kilo. Je pense que cette nouvelle pourrait bien signer la fin du travail dans de nombreuses rizières. En effet, à ce tarif, cultiver et vendre cent lianes de poivre équivaut au bénéfice qu'engendre le travail de la rizière sur un an. »

Quant à Chub Bunthoeun, récoltant de sève de palme pour le compte de l'entreprise Confirel dans la province de Kampong Speu, il disait ne pas être au courant de cette bonne nouvelle, sachant seulement que Confirel souhaitait davantage de quantité pour sa prochaine récolte de janvier. « Cette fois-ci, elle nous demande de fournir 5000 litres de jus de palme, contre 1000 litres d’habitude », détaille-t-il, ajoutant que son association regroupant 20 familles d'agriculteurs fournit Confirel depuis trois ans en jus de palme. « Aujourd'hui, la situation de ma famille est bien meilleure qu'avant. Maintenant, mes revenus varient entre 200 000 et 300000 riels par mois [50 à 75 dollars). Et en plus, j'ai du temps libre dans la journée pour m'occuper de mes bœufs et de ma rizière car la compagnie passe prendre le jus tous les matins à 7 h. » L'enregistrement de produits cambodgiens sous un label IG permettra de les retrouver dans les rayons des grands marchés internationaux, et de mieux faire connaitre la culture et la civilisation du royaume. Les gourmets et connaisseurs pourront ainsi apprécier la spécificité des goûts uniques du poivre de Kampot et du sucre de palme de Kampong Speu. « C'est une grande victoire pour notre économie locale, car nos produits régionaux n'atteignent pas encore les marchés de l'étranger. Cela permettra aux citoyens du monde entier de connaitre nos spécialités, d'abord le poivre et le sucre, et pourquoi pas plus tard le prahok (pâte de poison fermentée), le riz et d'autres produits », se félicite Hay Ly Eang, PDG de Confirel, ajoutant que cette initiative est une occasion unique pour les producteurs cambodgiens de faire connaitre leurs produits dans le monde entier.

 

Le ministère du Commerce a promis de faire son possible pour que d'autres produits cambodgiens portent à terme le label IG. Certains, pouvant à l'avenir faire l'objet d'indication géographique, sont déjà identifiés : le riz de Battambang, la cardamome de Pursat, la soie de Phnom Srok (dans la province de Banteay Meanchey) et le prahok produit à Siem Reap, dans le cadre du projet Un village, un produit.

Ros Dina

Cambodge Soir Hebdo, n°9, 29 novembre 2007

 

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